Sujet: Prélude à un soleil noir. Jeu 26 Nov - 21:07
Prélude à un soleil noir.
Vendredi 13 Juillet, an X.
Il devait être aux alentours de 17 heures quand le ciel s’est assombri pour la première fois. Cela ne se passa que durant un bref laps de temps. Cela fut très court. Tellement rapide que l’Ombre passa sans doute inaperçue pour nombre de citoyens. Sans doute un simple nuage qui cachait le soleil. C’était ça, oui. Mais ce n’était qu’un début.
Samedi 14 Juillet, an X.
Le bilan météorologique fut des plus curieux : si, l’avant-veille, tout laissait présager que l’été était bien parti pour durer, les conditions s’étaient apparemment sérieusement dégradées dans la nuit. Si le soir les cieux étaient à peine voilés, le lendemain matin, c’était l’Amérique elle-même qui était prise sous un épais cocon noir. Ce n’était pas un ciel d’encre, non. C’était bien pire.
Lundi 23 Septembre, an X.
C’est lorsque deux mois se furent écoulés que l’on se réveilla enfin. Il fallut se rendre à l’évidence : le mauvais temps n’avait que trop duré. Et le fait était que la planète toute entière était plongée dans l’obscurité la plus totale avait fini par s’imposer. Quelque chose n’allait pas. Le plus étrange pour certains fut sans doute que l’Etat ne dit rien. Il semblait s’interroger autant que le peuple, clamait haut et fort que l’on s’échinait à trouver d’où venait le problème. Les plus pertinents songèrent que l’on n’entendait alors plus parler de ces satellites et stations qui dérivaient dans l’espace, et qui auraient très bien pu être à même de comprendre le phénomène, d’où elles étaient. Les plus ignares levèrent le Chaos.
Un mardi, peut-être.
Les temps avaient passé… et rien ne s’était arrangé. Certains avaient cessé de compter. Tous s’étaient réfugiés dans la foi. C’étaient les Eglises et les Temples qui accueillaient maintenant la population. Certains autels en l’honneur de divinités improvisées étaient dressés à même les trottoirs, jonchant de part et d’autres les plus grandes avenues des villes. La délinquance avait monté, tandis que les forces de l’ordre s’efforçaient de maîtriser les plus hauts fanatiques et leurs prophéties apocalyptiques. Les quartiers les plus riches étaient devenus des enfers. Et ceux qui l’étaient déjà avaient sombré dans l’horreur la plus totale. Le Chaos s’était installé, oui. Ne restaient plus que les lambeaux d’une société en perdition… et les pantins désarticulés de ceux qui en avaient été les émissaires. Toute cette chose que l’on avait appelé Civilisation avait disparu. On était revenu à la période où les hommes chassaient les sorcières avec des torches et des fourches… à l’exception près qu’il n’y avait plus de sorcières à poursuivre, et donc plus personne à blâmer. Dans l’ombre, des armées se levèrent. Il y eut des manifestations, des émeutes, des pillages. Et, parmi ceux qui cassaient, saccageaient, détruisaient, des chasseurs reprirent la traque. Car pour eux, cela ne faisait aucun doute : il en restait. Et il fallait les éliminer.
On découvrit finalement qu’un épais nuage noir avait caché le soleil. Mais ce fut bien trop tard, quand la Science, pour certains, n’eut plus aucune crédibilité.
Un Samedi.
La ville avait été désertée par la plupart de ses habitants. Laissant derrière eux un monde de débris, Hommes et chats sous peau d’humains étaient partis vers de nouveaux horizons. L’herbe était toujours plus verte chez le voisin d’à côté. Ca ne pouvait être pire qu’ici. Tears of Cats sombra dans l’oubli. Les quelques rescapés qui choisirent d’y rester – pour attendre la Fin tant prêchée par les fidèles, peut-être ? – vécurent dans une sorte de ralenti, comateux. Chez les humains, il ne resta plus que l’errance et la survie. Les félins, eux, durent faire face à la terreur qui envahissait les Clans. On chassait de nouveau. Certains disaient même que des chats avaient été attrapés. Dépecés. Immolés. On avait peur. L’âge sombre menaçait de revenir, à tout moment. Il suffisait que l’un d’entre eux soit mis à jour et la grande Chasse aux Sorcières aurait recommencé.
Ce n’est que lorsque tous furent sur le point de sombrer dans la folie qu’il y eut un miracle.
Lundi 23 novembre, an X.
Après plusieurs mois de nuit, le soleil réapparut.
C’est dans la surprise générale qu’il y eut une toute première éclaircie. Quelque chose de bref, de succinct. Une teinte grisâtre et un fin rai de lumière. Cela disparut. Mais dans l’esprit des gens, l’espoir revint.
Mardi 24 novembre, an X.
Tout se passa en une nuit, cette fois encore. C’était comme si rien ne s’était jamais passé. On se réveilla un beau matin, et le soleil était là. Aussi brusquement qu’elle avait disparut, la normale telle qu’on la connaissait fut de retour. Cela n’effaça rien. Les rues étaient toujours saccagées. Les maladies courraient toujours les rues. Mais les gens revinrent. Bien plus vite qu’ils n’étaient partis. A croire qu’ils n’avaient attendu que ça.
Jeudi 26 novembre, an X.
Le constat était alarmant : ils ne pourraient revenir à leurs vieilles habitudes avant longtemps. Les territoires des Clans avaient été violés dans une ère de totale anarchie. Les guerriers, les apprentis, les chatons avaient disparu. Les chefs et les lieutenants aussi. Même l’Etoile Suprême n’était plus là, et on ne savait pas pourquoi. Les félins alors en place durent bien vite se mettre à la tâche. Il fallait aviser. Rien n’aurait pu être prévu. Il fallait repartir à zéro.
Ne restait plus qu’à tout reconstruire, et à sauver ce qui pouvait encore l’être.